La fiction interactive : l’auteur est le maître du jeu !

S’il fallait recourir à une métaphore pour en décrire la nature, la fiction interactive serait comme un cours dans lequel les élèves sont amenés à répondre à des questions plutôt qu’à se contenter d’écouter (subir?) l’exposé du professeur. Pour l’auteur de fiction interactive, il s’agit donc de mettre en place un dispositif permettant d’instaurer une discussion avec le spectateur (qui devient du même coup « joueur »). Mais une discussion rhétorique, dans le sens où les choix que le spectateur-joueur sera amené à prendre auront été préétablis par l’auteur. Charge à ce dernier de rendre ces choix les plus intéressants possibles.

Choisir, c’est renoncer…

Qu’est-ce qu’un choix intéressant alors ? Selon Florent Maurin, président du studio The Pixel Hunt, tout l’art est de faire en sorte que ces choix génèrent de la tension, en procurant au spectateur-joueur à la fois satisfaction (celle d’un sentiment de liberté) et frustration (celle de ne pas connaître l’ensemble des possibilités offertes par les différents choix possibles). Car choisir, c’est renoncer, tant pour le spectateur-joueur que pour l’auteur (qui accepte que la plupart des arches narratives qu’il avait prévues restent inexplorées)… La notion de rythme est également fondamentale : les phases interactives doivent être insérées dans le récit de façon à créer l’émotion recherchée par l’auteur : une succession d’embranchements à choix multiples très rapprochés favorisera par exemple la montée en stress du joueur.

L’une des différentes arborescences possibles en fiction interactive…

Et le point de vue dans tout ça ?

C’est une crainte récurrente chez les auteurs: s’il leur incombe de poser avec le spectateur-joueur les bases d’une discussion plutôt que celles d’un discours, que devient leur point de vue dans tout ça ? Le discours ne risque-t-il pas fatalement de se diluer dans l’interactivité ? La tentation est grande d’adopter une structure de récit proche de la linéarité, avec des embranchements qui se résument à des « tiroirs » aussi vite refermés qu’ils sont ouverts, et ne permettant pas au joueur de réellement dévier de la trame principale. Pire, un auteur « control freak » sera tenté de proposer de « faux choix », réduisant ainsi l’interactivité à de la poudre aux yeux. Mais dans des structures plus complexes, interactivité et vision d’auteur peuvent parfaitement se conjuguer. Car c’est justement dans la définition des choix que l’auteur pourra exprimer un point de vue, en créant un espace narratif qui orientera l’imagination du spectateur-joueur… Car pour Florent Maurin, « les choix ne sont pas là pour faire plaisir au joueur », mais bien pour « servir l’intention de l’auteur ». Une grande œuvre interactive doit réussir le tour de force d’à la fois permettre à l’auteur de véhiculer son point de vue tout en offrant au spectateur-jour la possibilité d’exprimer ses propres valeurs, et de vivre par procuration des expériences enrichissantes au plan humain. D’ouvrir, à travers son écran, une fenêtre sur le monde !

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