Si la maîtrise de la dramaturgie et des codes du genre est une condition nécessaire, est-elle néanmoins suffisante pour écrire un bon Polar en 52′ ? Pour Vincent Robert, scénariste et formateur, spécialiste du Polar, la réponse est bien évidemment non ! Sa méthode à lui : travailler à fond l’émotion d’une histoire qui finit toujours mal, celle du tueur et de sa victime…
Un polar, c’est d’abord l’histoire d’un crime. Si en tant que scénariste, être obnubilé par la dramaturgie relève de la seconde nature, l’écriture d’un polar demande de refréner ses réflexes pour se concentrer sur ce qui constitue le cœur du polar : l’histoire du crime. Si rappeler qu’elle implique un tueur et une victime relève de la trivialité ultime, l’histoire d’un crime, c’est aussi celle du lien qui unit le tueur et sa victime. Tout l’art du polar est de faire de cette histoire une mécanique imparable. Cela vaut tant pour la victime et sa backstory (« cela ne pouvait que se terminer de cette manière »), que pour le tueur (quel est son mobile ? Quelle est la motivation qui l’a poussé au passage à l’acte ?). Pour que l’auteur-e soit bien au clair de tout ces points, Vincent Robert conseille d’écrire l’histoire du crime en une phrase.
C’’est cette histoire – et sa puissance émotionnelle – qui fera ou non chavirer le spectateur. Plus les personnages (victime et tueur) susciteront l’empathie, mieux le spectateur s’abandonnera. Bien sûr, la crédibilité de la scène de crime ne doit souffrir aucune faiblesse, sous peine de faire « sortir » le spectateur du polar. Là aussi, il incombe au/à la scénariste d’écrire avec minutie le mode opératoire de cette scène de crime…ainsi que les instants suivants (le tueur déplace-t-il le corps de la victime ? Panique-t-il ? Etc.).
Idéaux suspects
Et c’est seulement après avoir confectionné cet « écrin émotionnel » que l’auteur-e peut s’en retourner vers ses personnages de flics, et se focaliser sur la structure du polar. Pour rythmer la progression, rien de mieux que de ménager des cliffs (correspondant à des révélations sur la victime, mais pas uniquement). Rien de mieux non plus qu’une poignée de suspects subtilement imbriqués à l’histoire du crime. Pour des suspects crédibles, il faut des motivations sérieuses, presque aussi sérieuses que celle du tueur, ainsi que des mobiles crédibles. Et là encore, cela implique de travailler la relation victime-suspect. Et pour parachever le tout, la scène d’aveu finale doit « envoyer du lourd », en ramenant encore une fois le spectateur à la fameuse histoire du crime et en lui faisant découvrir son « cœur nucléaire » : la motivation profonde du tueur. C’est également par cette scène d’aveu que le scénariste « passe à la caisse » : c’est la scène qui lui permet de véhiculer son point de vue d’auteur, la morale de l’épisode.