Dans « Valérie Donzelli, le tourbillon de la vie », la réalisatrice, scénariste et actrice se confie sur son travail. Voilà quelques-uns de ses secrets de fabrication…
Un livre deux-en-un. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier le livre tout juste paru chez Playlist Society, intitulé « Valérie Donzelli, le tourbillon de la vie », signé de Thomas Messias et Quentin Mével. On aura tous saisi l’allusion à la chanson de Serge Rezvani, interprétée par Jeanne Moreau dans Jules et Jim de Truffaut, devenue une sorte d’ode à la liberté. On s’égare ? Non, car de la liberté, il lui en faut à Valérie Donzelli pour faire les films comme elle les imagine.
Reprenons. Cet opus est d’abord composé d’une première partie d’analyse. Dans ce décryptage, Thomas Messias souligne que l’un des points forts de Valérie Donzelli réside en l’apparente faiblesse de ses personnages féminins, véritables « anti-héroïnes ». « On assiste à un téléscopage de vies incomplètes, émaillées de frustrations et de regrets », écrit Thomas Messias. Et c’est réjouissant ! Valérie Donzelli joue des contrastes comme d’autres du saxophone : c’est envoûtant, captivant et le rythme se fait doux ou palpitant. Et cela apparaît dès la caractérisation des personnages, dès les situations qu’ils rencontrent (au scénario donc) mais aussi grâce au montage qui confère une « énergie positive » aux films. Un exemple ? Dans La Reine des Pommes (2010), la réalisatrice ajoute « des couches et des niveaux de lecture qui accélèrent la narration, notamment via des split screens qui dédoublent l’action, et l’ajout de voix off qui donnent de l’élasticité à la narration. »
Mais surtout, et c’est un terreau fertile pour la comédie, Valérie Donzelli accepte la noirceur de la vie et des situations. « Pour Donzelli, les préconisations restent les mêmes : ne pas faire comme si tout cela n’existait pas, mais l’intégrer à son quotidien, ce qui n’ôte pas l’angoisse, mais contribue à l’apaisement. » En bref, le cinéma de Donzelli, c’est les montagnes russes.
Et qu’en dit Donzelli ? La deuxième partie du livre est un long entretien mené par Quentin Mével. Valérie Donzelli y raconte son parcours semé d’embûches (tiens, comme ses héroïnes…) et son désir de faire du cinéma, le plus librement possible (comme on vous le disait plus haut, donc). C’est ainsi que son premier long n’avait pas de producteur au départ. Elle l’a tourné avec un minimum de moyens. Un tournage sur une durée réduite, avec une équipe format mini. Et d’ailleurs, quand il lui a fallu passer à des budgets de films plus conséquents, ce n’est pas toujours là, révèle-t-elle, qu’elle s’est sentie le plus à l’aise.
Pourtant, avec ou sans budget, son cinéma a une « patte », reconnaissable entre toutes. Ses ingrédients magiques ? Les scènes muettes, dans lesquelles les acteurs ne parlent pas forcément, parfois avec un ajout de cartons… qui créent aussi un décalage burlesque. En réalité, la cinéaste tourne la scène d’abord avec les dialogues, puis version muette. « C’est génial, dit-elle, ça permet d’étirer le temps au montage, si on en a besoin. » Autre marque de fabrique : les fermetures à l’iris, écrites dès le scénario, comme pour La Reine des Pommes. « J’aime cette façon de créer une tension particulière, de fermer un chapitre, note la cinéaste. En terme de récit, je trouve cela très efficace, ça dit beaucoup de choses, comme un fondu. » Et puis, Valérie Donzelli assume, comme rarement, le burlesque. Ainsi, dans Notre-Dame, sorti en décembre 2019, co-écrit avec Benjamin Charbit (co-scénariste sur En Liberté ! de Pierre Salvadori), les baffes se distribuent-elles gratuitement par des gifleurs petits et en imperméable. Précédemment, dans La Reine des pommes, un pervers en imper se faisait piquer le dernier velib’ dispo et courait après un bus. Enfin, un dernier secret ? « La méchanceté c’est de la comédie. » Si c’est Donzelli qui le dit…
« Valérie Donzelli, le tourbillon de la vie », de Thomas Messias et Quentin Mével, 128 pages, 8 €, ed. Playlist Society, Collection Face B.
A.L.